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La newsletter, une réponse aux algorithmes des médias sociaux ?

Publié le 17 août 2021

Par Flavien Chantrel

Si vous vous intéressez au monde de la tech, vous faites potentiellement déjà partie des 30 000 abonnés à l’excellente newsletter « bête et méchante sur le monde de la tech » Tech Trash. Ses éditeurs, Lauren Boudard (autrice et enquêtrice) et Dan Geiselhart (auteur et journaliste), ont également fondé le studio de newsletters Courriel en 2021 et lancé  l’infolettre Climax sur le thème de la révolution climatique grâce à une campagne de financement participatif qui compte déjà 1 000 abonnés payants.

En amont de leur conférence accordée à l’événement Intelligence Marketing Day 2021, BDM les a interrogés sur la newsletter, un format qui connait un retour en force depuis quelques années. Pourquoi tant de succès ? Quelles sont les tendances à venir ? Comment se lancer ?

 

Le format mail et la newsletter sont revenus en force ces dernières années. Comment expliquer ce phénomène ?

Vaste question ! Le mail, c’est le format ringard par excellence. Rien n’est, a priori, hyper palpitant dans le fait de recevoir un énième courriel, d’autant plus que nos boîtes mails sont déjà bien saturées. Mais pour autant, ce n’est pas anodin si ce format revient aujourd’hui en force et c’est selon nous dû à une conjonction de facteurs. D’abord, c’est un format court, condensé, qui permet de faire le point rapidement sur une thématique et d’échapper au bombardement d’infos permanent.

Ensuite, c’est un canal qui offre un accès direct aux lecteurs et qui permet d’outrepasser les algorithmes tout puissants de grandes plateformes comme Facebook, Twitter ou Instagram. On le sait : en modifiant un bon matin leurs conditions d’utilisation, les plateformes peuvent diviser par trois une audience sans que l’éditeur n’ait son mot à dire.

Le mail, c’est autre chose : c’est un canal qui vous appartient, sur lequel vous avez un contrôle plein et entier … C’est presque une forme de reprise du pouvoir ! Et enfin, par le fait qu’une newsletter arrive directement dans la boîte mail et que le lecteur s’y soit inscrit, il y a un contrat de confiance entre lui et l’éditeur qui nous semble plus sain, plus intime. On a tendance à considérer la newsletter comme un médium très froid, vertical, alors qu’elle permet en réalité une vraie interaction avec ses lecteurs et c’est d’ailleurs ce qui nous a le plus surpris quand on s’est lancés avec Tech Trash. Nous communiquons de façon quasi quotidienne avec notre communauté, qui nous fait remonter des infos, nous fait des retours, donne son avis… Et ça s’est encore accentué avec le lancement récent de notre newsletter Climax, un format payant, avec une communauté plus petite mais encore plus engagée.

 

Comment en êtes-vous venus vous-même à la création d’une newsletter (TechTrash), puis d’un studio de newsletter ?

À l’origine, le format de la newsletter n’était pas calculé comme un choix stratégique mais plus comme le choix de la facilité. Un peu comme le podcast, les barrières à l’entrée pour créer une newsletter sont assez faibles – les barrières techniques tout du moins ! Avec une bonne idée et un bon ton, il est assez simple de se lancer et pourtant, bizarrement, peu de gens le font ou mal (selon nous !). C’est de ce constat qu’est né le studio de newsletter Courriel, d’une forme de frustration à recevoir encore et toujours des mails « à l’ancienne » alors que le format permet une liberté créative encore largement sous-exploitée.

L’idée, c’était de se dire qu’avec un studio, on pouvait faire profiter de notre expérience après plus de trois ans déjà à rouler notre bosse en la matière. Et il faut l’avouer, cette idée est aussi née à cause de nombreuses demandes entrantes que nous avons reçues l’année dernière : de nombreuses organisations, médias, influenceurs voire même grands groupes nous ont contactés pour collaborer avec nous, dans l’idée de pouvoir bénéficier de notre expertise en la matière. Finalement, de notre côté, il n’y avait plus qu’à structurer une offre pour répondre à la demande.

 

Photo de Lauren Boudard et Dan Geiselhart
 

Marques, médias, journalistes … Aujourd’hui, qui a un intérêt à créer une newsletter ?

Un peu tout le monde ! Alors, bien sûr, tout dépend de l’audience à laquelle on s’adresse. Aujourd’hui c’est un format qui est surtout investi par les journalistes qui souhaitent s’émanciper de leurs salles de rédaction et créer de « mini-empires médiatiques ». C’est un phénomène surtout américain jusqu’à présent avec des grosses pointures comme Emily Atkin avec sa newsletter Heated ou encore Casey Newton avec Platformer : des journalistes reconnus qui ont plaqué leur job pour tenter leur chance en solo sur Substack. C’est à ce niveau aujourd’hui que l’émulation est la plus vivace et que les choses les plus intéressantes se créent.

Les médias et les marques quant à eux sont encore bien à la traîne, même si on ressent un frémissement : certains commencent à sentir le vent tourner et se posent sérieusement des questions quant à leur vision dépassée de ce médium. Un peu comme le podcast il y a 2-3 ans, il y a de fortes chances que toutes les marques cherchent bientôt à produire leur propre newsletter éditorialisée.

 

Créer une newsletter, c’est bien, mais encore faut-il avoir des lecteurs. Est-ce un média réservé à ceux qui ont déjà une audience ?

Non, absolument pas ! Quand nous avons lancé Tech Trash il y a 3 ans, nous partions de zéro. Aucun de nous deux ne possédait de communauté propre. Ça prend un peu de temps, c’est sûr : de notre côté, nous avons mis plusieurs mois avant de créer un momentum. Pendant 6 mois nous avons plafonné à quelques milliers d’abonnés, tout juste avant de vraiment gagner en traction. Mais ce passage « à vide » nous a aussi permis d’affiner notre formule, de ciseler notre ton, de bien bichonner notre proposition éditoriale. Tout ça pour dire que le format newsletter est moins propice au buzz que les réseaux sociaux. Certains voient ça comme une faiblesse – pour nous, ça fait aussi partie des forces de ce canal. Une fois acquise grâce à un travail de longue haleine, l’audience est beaucoup plus fidèle, moins volatile.

 

Quels sont les ingrédients d’une bonne newsletter ? Existe-t-il des bonnes pratiques générales ?

Pour commencer, nous sommes persuadés que le ton avec lequel la newsletter est rédigée est essentiel afin de créer un lien avec son audience. On voit souvent des marques jouer le jeu de la fausse camaraderie dans leurs mailings, que ce soit dans l’expéditeur “Un message de Jean de Engie” ou dans le corps même de l’e-mail, y allant du tutoiement et du prénom du destinataire. Malheureusement, on sait bien que c’est faux et surfait et le lecteur s’en rend compte immédiatement ! Autant vous dire que ça nous brûle les yeux !

Le manque de sincérité est flagrant dans beaucoup de newsletters et il faut y remédier grâce à un vrai travail d’éditorialisation. Ensuite, concernant l’aspect visuel, nous pensons qu’il faut à tout prix éviter la surcharge graphique et les bannières bariolées qui épuisent l’œil. Que ce soit dans la proposition éditoriale ou graphique, le maître mot est la sobriété et l’incarnation. Il est essentiel de respecter le temps des lecteurs et de faire en sorte de lui fournir des informations qui lui rendent réellement un service. Une fois que ces propositions-là sont bien calibrées, c’est tout gagné !

 

Personnes qui analysent des données
 

Le rapport à une newsletter est forcément différent qu’une consultation web ou sociale. Comment juger du succès d’une newsletter ? L’analyse des KPIs est-elle différente ?

C’est un acte beaucoup plus intime en effet, d’arriver dans la boîte mail des gens. Il ne s’agit pas d’un geste anodin : s’inscrire à une newsletter, c’est une marque de confiance hyper forte ! La boîte mail reste un espace vraiment personnel, c’est un peu comme un salon dans lequel votre lecteur vous laisse entrer. Cela signifie qu’il faut s’y comporter en invité, pas en barbare. Et c’est justement pour ça qu’il faut impérativement respecter le contrat de confiance instauré avec son audience !

Concernant les KPIs, tout dépend évidemment de l’objectif recherché : il y a bien sûr les sempiternels taux d’ouverture, taux de clic … Nous, ce qu’on aime bien regarder, c’est le taux de réponse. Combien de lecteurs vont réagir directement en nous envoyant un mail ? Combien vont réagir sur d’autres canaux existants (notamment les réseaux sociaux) à partir de la newsletter qu’on vient de leur envoyer ? Combien d’entre eux vont transférer la newsletter à leurs proches ? Ce sont des indicateurs d’engagement encore plus forts.

 

Pensez-vous que la montée en puissance des newsletters va continuer ? Si oui, à qui vont-elles réussir à prendre du temps d’attention ?

En effet, nous pensons qu’il y a encore une grosse marge de progression ! Aux États-Unis, le marché se structure et on voit même des newsletters comme The Hustle ou Morning Brew se faire racheter pour des millions de dollars. Bien sûr, on est encore très très loin de ça en France mais il y a espoir de voir le marché évoluer. De nombreuses marques et entreprises veulent désormais avoir leur newsletter éditorialisée, après encore faut-il qu’elles s’entourent des bonnes personnes pour la réaliser. Mais nous gardons espoir et sommes persuadés qu’on va voir arriver de très beaux projets de newsletters – il y a des dizaines de sujets qui ne sont pas encore traités par ce médium et qui pourraient pourtant fédérer des milliers de lecteurs. Pour tous ceux qui ont envie de se lancer, c’est le moment !

 

A lire également : Brand content : les quatre clés du succès

(Re)visionnez la conférence "Le renouveau des newsletters en 2021" d'IMD21 !

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